Rilke

Rainer-Maria Rilke
(page sur Rilke)

Une oeuvre d'art est bonne qui surgit dans la nécessité.

au fond, et précisément pour les choses les plus profondes et les plus importantes, nous sommes inqualifiablement seuls

A propos d'un livre de Jens Peter Jacobsen, Niels Lyhne : "Il n'est rien là qui n'ait été compris, saisi, vécu, et reconnu dans l'écho tremblant du souvenir ; aucune expérience ne fut trop infime, et le moindre des événements s'y déploie tel un destin, lequel est lui même comme un large et merveilleux tissu dont chaque fil a été guidé par une main infiniment douce, placé à côté d'un autre, maintenu et soutenu par cent autres."

La solitude qui entoure les oeuvres d'art est infinie [...] Seul l'amour peut les appréhender, les saisir et faire preuve de justesse à leur endroit

Tout est d'abord mené à terme, puis mis au monde. Laisser s'épanouir toute impression et tout germe d'un sentiment au plus profond de soi, dans l'obscurité, dans l'ineffable, dans l'inconscient, dans cette région où notre propre entendement n'accède pas, attendre en toute humilité et patience l'heure où l'on accouchera d'une clarté neuve : c'est cela seulement qui est vivre en artiste, dans l'intelligence des choses comme dans la création.

Etre seul comme on était seul, enfant, [...] Lorsqu'on s'aperçoit un jour que [les] activités [des adultes] sont piètres, leur métier figé et qu'ils n'ont plus de lien avec la vie, pourquoi ne pas continuer, tel un enfant, à porter là-dessus le même regard que sur ce qui est étranger, d'observer tout cela à partir de la profondeur de notre propre monde, à partir de toute l'ampleur de notre solitude personnelle qui est elle-même travail, situation et métier ? Pourquoi ne pas échanger la non-compréhension intelligente d'un enfant contre le rejet et le mépris, puisque aussi bien ne pas comprendre c'est être seul, tandis que rejeter et mépriser, c'est participer à ce dont on veut se séparer par ce biais là ?

Dieu :
Pourquoi ne pensez-vous pas qu'Il est celui qui viendra, qui est imminent de toute éternité, le fruit ultime d'un arbre dont nous sommes les feuilles ? Qu'est-ce qui vous empêche de projeter Sa naissance dans les temps futurs, et de vivre votre vie comme l'un des beaux jours douloureux d'une grossesse grandiose ? [...] Quel sens aurions nous si celui auquel nous aspirons eût déjà été ?

il est clair que nous devons nous en tenir à ce qui est difficile.

Mais le temps de l'apprentissage est toujours une longue période, une durée à part, c'est ainsi qu'aimer est pour longtemps et loin dans la vie, solitude, isolement accru et approfondi pour celui qui aime. Aimer, tout d'abord, n'est rien qui puisse s'identifier au fait de se fondre, de se donner, de s'unir à une autre personne (que serait, en effet, une union entre deux être indéfinis, inachevés, encore chaotiques ?) ; c'est, pour l'individu, une extraordinaire occasion de se mûrir, de se transformer au sein de soi, de devenir un monde, un monde en soi pour quelqu'un d'autre ; c'est pour lui une grande et immodeste ambition, quelque chose qui le distingue et l'appelle vers le large.

Nous sommes solitaires.

 

Extait d'une lettre à Lou Andreas-Salomé :
L'objet est déterminé, l'objet d'art doit l'être davantage encore, soustrait au moindre hasard, à la moindre incertitude, sorti du temps et confié à l'espace, il est devenu durable et apte à l'éternité. Le modèle n'est qu'apparence, l'objet d'art existe. Aussi celui-ci constitue l'indicible projet sur celui-là, dans le fait d'être la silencieuse et croissante réalisation du désir d'être qui existe dans la nature morte à partir de toutes choses. De la sorte est écartée l'erreur qui voulait faire de l'art le métier le plus arbitraire et le plus prétentieux, il est l'acte le plus humble de servir, et tout entier soutenu par la loi.