Prise d'identité

envoyé par VB le 19 janvier 2002 à 20:37:42:

Au moment du bilan de "mon" année dernière, moi, VB, 25 ans, célibataire mais amoureux transi des femmes en général, récemment sortie du cycle universitaire et maintenant banal employé d’une Poste, je me pose ces questions bêtes et méchantes : Que retenir de cette année 2001 ? Qu’ais-je été en 2001 ?


Prise d’identité.


Deux mille un, bien simple dénomination pour une année riche en évènements en tout genre. Chutes d’immeubles a New York, guerre médiatiquement répercutée, real TV, vraie fausse instabilité mondiale, nouvelle monnaie en Europe, proche élection présidentielle dans l ‘espace géographique où je demeure… Et moi et ma petite vie de soldat désarmé.
Constat : Le monde se réalise sous mes yeux, là, devant moi, et cela me laisse tellement froid… Comment cela est-il possible ? Comment en suis-je arrivé là ? Pourquoi à 25 ans, alors que j’ai toujours voté jusqu’à maintenant, que je me tiens informé et me sente concerné des faits de société et du monde en général depuis des années ; j’écoute France Info tous les jours, que je travaille " et paie mes impôts à temps ", comment se fait-il donc, que je me sente de plus en plus éloigné de la réalité du monde occidental tel qu’il m’ait représenté ?
La télévision. Les images et la représentation du monde. Biaisée, voilée, faussée…Je ne sais pas vraiment. Mais quelque chose manque au tableau, je le sens, on ne me dit pas tout. Je me sens grugé. Que faire ? Décramponner, démissionner ? C’est à peu près ce qui est en train de se passer.
La beauté de notre époque réside dans le fait que l’on peut être informé sur l’ensemble des faits du monde dans la minute suivante. Tout le monde le sait. Aussi, pourquoi ais-je la douloureuse impression que l’on se fout ouvertement de ma gueule ? Je veux dire par là que rien n’est jamais objectif, sérieux et parfaitement neutre dans ce que l’on m’apprend ? Il y a un problème. Un gros problème. Pas seulement d’information, mais de conception du monde. Quelque chose est en train de changer. Dans leur volonté (et leur destin) de devoir s’occuper de tout, les médias, en tant qu’entité technologique, ont muté plus rapidement que la conception de l’homme et sa propre vision de l’humanité : Résultat : La technologie (ou machinerie) devance l’homme. Entre ce que l’homme est prêt à accepter, et ce que la logistique peut déverser, il y a un écart gigantesque. Démesuré. Cette différence, " ce grand écart ", c’est ici que se joue le centre d’intérêt de l ‘année écoulée. Un changement a eu lieu, ou va avoir lieu. La représentation du monde, telle qu’elle existait jusqu’à aujourd’hui va changer. Le cerveau de l’homme, son animalité, puisque c’est de cela qu’il s’agit, vont devoir s’adapter à l’évolution parallèle de ses " extensions médiatiques ". Radio, presse, cinéma, arts en généraux, mais surtout, la télévision et internet. Cela se joue maintenant, et cela ne fait que commencer.
Après l’ère du sexe, (dixit Jean Luc Godard), nous entrons dans " l’ère du direct ". L’instant présent ou la présence à l’instant. La représentation de la vie au moment même où nous la vivons. L’homme à peur. Peur de son avenir, de lui-même, du monde créé qui se dresse devant lui à cet instant donné. Comme chaque début de millénaire, celui-ci s’accompagne d’une période de doute accrue. La représentation collective du monde vacille. L’image agit comme un antidote, une assurance, la preuve, de la véracité des moments que nous vivons. La rediffusion des images permettant la confirmation, comme un acte de jouissance, de la légitimité de notre existence ainsi que de notre appartenance au monde. NOUS SOMMES VIVANTS, NOUS EXISTONTS ET APPARTENONT A CE MONDE LA.
Et moi dans tout ça ? Où puis-je bien me situer ? Eh bien devant mon poste de télé… À regarder les images diffusées. L’actualité. Piètre mot, j’en conviens, pour signifier la prise en directe des sensations et vibrations du monde. Mais dans cette globalisation et immense ratissage des mouvements du monde, on en oublie l’essentiel, la matrice de tous ces événements : L’individu. On m’a oublié dans le tableau du monde. Je le crie par écrit : Je ne suis plus représenté, par personne. Ne reste qu’une immense toile vide de personnages. J’existe pourtant bel et bien bon sang. Ma chair, mes os mon sang seraient-ils devenus obsolète ? Mon corps à la rage. Et ma parole, serait-elle si peu représentative que l’on m’oublie au sein du portrait du monde ? Par ma voix, j’entends, bien entendu, celle des millions de personnes qui ne servent à rien à proprement parler : c’est-à-dire vous et moi. Un peu tout le monde en fait. Tous ceux qui, avec un numéro dans le dos, travaillent ostensiblement à réaliser des tâches obscures de ce que j’appelle le quotidien inutile. À la sortie de mes études m’attendais une place " prédestinée ". Un espace vaquant ou mes mains et mon esprit s’attelleraient, tête baissée, jusqu’à la fin. Et puis quoi…. Un bouquet de fleurs et une plaque en marbre avec mon nom dessus ? Allez au diable ! Êtres vivants, personnages politiques et historiques, je vous hais. Je maudis le monde que vous m’avez offert. Et plus que tout, je me maudis de l’avoir déjà accepté.

Alors j’écris.

D’un simple crayon peut-on faire la plus dangereuse des armes ? Je ne sais pas.

En fait trois solutions s’offrent à nous tous à un moment donné :
- L’oubli (sous toutes ses formes),
- La capitulation, courber l’échine. Toucher un salaire équivalent en fait à un pot-de-vin, (le choix de la majeure partie de la population), on mensualise votre paie pour acheter votre bienséance…
- La lutte. Qui peut se présenter sous différentes formes : Lutte culturelle, politique, voire armée…
Si j’écris ces quelques lignes c’est parce que maintenant, pour moi, c’est le moment de prendre ma décision, de suivre ma voie. Et je suis bien embêté de constater que personne ne m’a jamais armé pour lutter. Ni par l’éducation que l’on m’a donnée, ni par mes représentants politiques et/ou publiques, et rien n’est disponible dans " l’armurerie mentale " de mon quartier. Tout le monde a déjà choisi de capituler. Il me reste donc l’oubli, ou la capitulation.
Je sais déjà que vous vous foutez complètement de ces quelques pensées d’un anonyme éberlué… Mais voilà ce qui m’a traversé l’esprit en cette année 2001.

Et vous, qu’est ce que vous en pensez ?…

" Ça y’est, le grand incendie, y’a le feu partout, emergency Babylone, Paris s’écroule, New York City, Iroquois qui déboulent maintenant… ".
Bertrand Cantat, Noir Désir. Septembre 2001.

Merci…

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