Re: beauté es tu là???

envoyé par Aliocha le 14 janvier 2002 à 21:19:08:

en réponse à beauté es tu là??? envoyé par Maloon le 14 janvier 2002 à 15:41:33:

Le problème que tu soulignes est intéressant. Mon point de vue, c'est que l'on vit dans une société où tu seras toujours plus admiré si tu t'appelles Anelka, Besson ou Jamel que Carax, Kiarostami ou Godard. Le sport, le cinéma qui ressemble à du sport, le raccolage, la démagogie, le fric, la médiocrité, l'esbrouffe, la bassesse, le rire gras, tout ça est beaucoup plus important aux yeux de nombreuses personnes qu'un clair-obscur de Rembrandt ou une minute de Schubert, ou même de Radiohead. C'est ainsi. Que pouvons-nous y faire ? Participer, à notre manière, avec des mots, des convictions, à faire tomber les masques, à noyer la médiocrité, la bêtise, à refuser la glotification de la violence face à la fragilité, et purifier tout ça dans l'amour de l'art en espérant que les temps changent. Mais ça m'étonnerait, franchement. Le temps où un grand peintre était admiré et protégé par un empereur qui va jusqu'à se pencher pour ramasser le pinceau que l'artiste a fait tomber, ce genre de choses, ce genre de symboles, c'est fini. Les gens, il y a même pas cinq cents ans, ils considéraient parfois qu'un artiste (comme Michel-Ange, par exemple, ou Raphaël) était presqu'un dieu, un être divin, un génie. Ils avaient conscience d'avoir le privilége durant leur courte existence d'être en présence d'oeuvres d'art fondamentales, essentielles, exceptionnelles. Maintenant, ceux qui ont ce comportement, ce sont les fans de Céline Dion, par exemple. Autres temps, autres moeurs. ça a probablement dégringolé vers la fin du vingtième siècle, après le sublime dix-neuvième, ce siècle qui avait été si artistique, ce siècle qui avait vu se cotoyer un Hugo avec un Delacroix, un Baudelaire avec un Manet, Schubert, Chopin, Wagner, Tolstoï, Dostoïevski, Melville, Poe, Flaubert, Lautréamont, Emily Brontë... Rien que les poèmes d'Emily Brontë, l'intensité du sentiment qui brûle dans ces mots, la soif d'Absolu, l'imagination comme quelque chose d'indispensable, mais aussi le regard vrai sur la nature humaine, sur les limites et l'espérance... Qui écrit encore de telles choses de nos jours ? Je ne sais vraiment pas. Le 21ème siècle sera-t-il sprirituel, comme Dédé Malraux se le demandait dans une formule trop célèbre ? Pour l'instant, avec à peine deux ans, on se demande déjà s'il sera, tout court !
Je me demande vraiment où on va, où va le cinéma quand je sais que le tournage de la suite de Yamakasi débutera en mars, quand je sais que Les Cahiers se passionnent pour Charlie et ses drôles de dames ou pour telle série, tel jeu vidéo, tel sport, que sais-je, quand je sais que Les Cahiers ont retourné leur veste comme des grands avec Lynch (démoli avec Wild at Heart et Fire walk with me, faut le relire pour le croire), quand je sais que Michel Ciment a aimé Amélie Poulain, quand je sais que Kubrick est mort et que Bergman n'est plus tout jeune, quand ... etc,etc...
Mais j'ai toujours la foi.
A.

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