Films de poètes

envoyé par Aliocha le 09 décembre 2001 à 23:23:56:

en réponse à Re: Paradjanov envoyé par LaurentM le 09 décembre 2001 à 21:49:53:

Les Chevaux de Feu, c'est un film de 1965-66 du cinéaste géorgien Serguei Paradjanov. C'est un très grand cinéaste d'URSS, qui a vécu entre 1924 et 1990, et qui a eu beaucoup de problèmes pour faire ses films tranquillement (à cause des autorités soviétiques)tant il voulait faire du cinéma libre et inventif. J'ai découvert Les Chevaux de Feu en vidéo (je sais qu'il est également passé sur Arte il y a il me semble un an environ) et c'est une pure merveille de poésie, complétement imprégnée de la culture et du folklore liés aux origines du cinéaste. Ce film est une sorte de poème légendaire autour de l'amour quasi surnaturel de deux amants que la mort réunira. C'est d'une grande richesse visuelle, limite expérimental, par moments, même si c'est moins radical qu'un autre très beau film de Paradjanov, Sayat Nova (Couleur de la grenade, 1969). Sayat Nova est une sorte d'essai à peine narratif (construit en chapitres chronologiques assez éliptiques), mais sublime visuellement, avec des plans composés comme de fascinants tableaux, sur la vie et la mort de Sayat Nova, poète arménien du 18ème siècle. D'une beauté visuelle à couper le souffle. Pour en revenir aux Chevaux de Feu, c'est l'histoire, dans les carpathes, de deux enfants, Ivan et Marichka, qui, au 19ème siècle, s'aiment malgré une rivalité de clans entre leurs deux familles. Enfants, ils s'aiment et communient avec la nature, ce qui donne des scènes splendides... Avec l'adolescence, le passage du temps, le malheur s'installe dans leurs vies et Marichka meurt noyée dans une rivière. A partir de ce moment, le film est la tentative d'Ivan de reprendre goût à la vie... Enfin, c'est pas la peine que je raconte trop l'histoire, ce film est un poème, il a la force d'une légende, d'un conte. Il y a dans cette oeuvre une atmosphère, des paysages, des visions, des sons, des sensations, inoubliables... Tout le film est traversé de rites, de cérémonies, de fêtes, de processions nuptiales et mortuaires, et y plane l'ombre de la sorcellerie, de croyances oubliées... et incroyablement envoûtantes. C'est lyrique, fantastique, romantique dans le meilleur sens du terme (c'est-à-dire fondamentalement élémentaire et morbide). C'est d'après une nouvelle qui a un très beau titre (qui est, je crois, le titre original du film): Les Ombres des ancêtres oubliés. C'est certainement le plus grand film soviétique des années 60 avec l'Andreï Roublev du génie qu'est (je ne pourrais jamais me résoudre à dire "était" à son propos) Tarkovski.
C'est du très grand cinéma, en liberté totale, hors du temps, des modes... Alors, je le conseille à tous ceux qui voudraient voir ce qu'est la poésie au cinéma (en ces temps puérils, on balance le mot "poésie" un peu pour tout et n'importe quoi en matière de films, même les plus raccoleurs, les plus tièdes), car Paradjanov est, comme Tarkovski, Bartas, Carax, un vrai poète. Les Chevaux de Feu est disponible en vidéo dans la collection Les Films de ma Vie. Les autres films de Paradjanov sont très difficiles à trouver, certains existent en DVD Zone 1 avec sous-titres anglais (c'est le cas de Sayat Nova). Je crois qu'Arte a passé Sayat Nova il y a quelques années...
Bye,
A.

réponses

envoyer une réponse

nom :

email :

sujet :

réponse :

URL :

Carax' chat