je laisse un bout de texte ici ; peut-être il y a des frères, des soeurs, des gens enfin, pour dire si ça vaut la peine de le lire... merci si vous le lisez. Comme ça il vit encore, ce site !

envoyé par ivé le 30 novembre 2000 à 21:11:28:


"Un livre qui rend heureuse"


Ce que je vais faire ne se fait. Sert à rien. Mettons qu'il y a assez de pages écrites un jour, par quelqu'une, puis une autre, et caetera, pour tapisser la terre. Dans une langue. Elle est lue par quelqu'une, ici toi, un moment précis. Ce moment meurt et toi aussi tu mourras. J'ai lu un livre de deux mille pages énonçant des choses intéressantes à chaque page. C'est formidable. Inutile, c'est pas grave. J'y ai mis plusieurs jours, j'en retiens peu ; ce fut du temps passé, jamais il reviendra. Mettons qu'il y a un million de livres comme ça, chaque fois pour lequel l'auteur s'est senti vivre. Ce que je vais dire ne se dit, en plus est inutile, au milieu des millions de pages se noiera : écrivez, écrivez, lisez, lisez, lisez, c'est perdu d'avance.

Certes, tel auteur est intéressant ; moi, je sais pas écrire de personnages ; c'est pas grave : il y a des millions de personnages et au moins mille derrière, en vrai, la fenêtre près de toi ! Ce que je vais dire est mal : ne lisez pas ce livre mais attention, aucun autre non plus ! Puisqu'une fois le livre refermé c'est perdu, même si un personnage justement reste, c'est perdu : il y en a assez de personnages ; ta tête est trop pleine, déjà ! Je suis pas un personnage : je te parle ; aucun jeu que je veuille. Pour moi aussi c'est important : mais il faut être franche, pas rechercher une issue, avec conviction ; je veux être sincère, n'avoir peur : ce que j'écris est déjà. Ou avant, dans ces millions de pages, ou après, perdu. Et si je voulais fourvoyer ton regard, je dirais que la Terre avec son univers va disparaître, alors. Mais ce serait facile : tout le monde sait ça, ou presque, et que certains ne le sachent y change rien.

Il ne s'agit d'un livre personnel : il s'agit d'un livre pour l'humanité. Aucune raison pour l'écrire. Aucune pour que tu le lises : je ne regarde mon nombril, ni ne sais m'en échapper ; tu as aussi un nombril et je dirai, pour que cela ne semble concerner que moi, que ce que tu lis est déjà. Perdu. La seule justification, tout ce temps passé immobile devant le papier sera, point central, l'expérience. Pour toi, de la lecture. Pour moi, de l'écriture. L'instant ou ce n'est, ni avant, ni après. Je ferai pas appel à la disparition de l'univers. Car toi et moi et nos enfants mourrons avant elle. Ma franchise : je doute terminer en ayant tout dit, clairement. Ceci n'est pas un roman : les romans existent, partout dans la vie réelle même et se fondent : partout dans ta vie réelle ceux que tu lus, alors. Alors c'est perdu.

Bien sûr j'ai remarqué combien "c'est perdu" revient, depuis le début. Aussi mon emploi de la première personne. Et mon attention à ne pas tomber dans la facilité, être franche autant que possible. Perte, je, franchise. Je veux dire : bien sûr vas-tu continuer à lire des romans après, bien sûr ce début prend place dans un pessimisme forcé ; pourtant, tu dois savoir que c'est rien, ou beaucoup ajouté à beaucoup, est-ce à dire beaucoup mais il n'y a rien à ajouter, rien : aucune description, personne, couleur : en mot, rien. Pourquoi vais-je poursuivre ta lecture ? Pour demeurer en vie. J'avais promis d'être franche, voilà : j'ai rien à te raconter. Aucune ambition. Ne te retiens : fais de la litière pour cheval du papier, rien s'arrêtera. J'ai raconté des histoires, jeune ; cette jeunesse s'y est inscrite. Mais plus d'histoires à présent. J'ai vingt ans. Ai dit le pessimisme intrinsèque au livre ; je ne dis qu'il en sortira rien (j'aimerais sauver quelque chose) : juste ma peur de forcer l'optimisme. J'écris pas un conte. J'écris.

Il y aura rien décrit : tant de voix, tant qu'il n'y a plus que le silence à renouveler : seul à ne combler par peur du vide, cachant rien : retrouvé pouvant rendre fou, tant bruit le monde, tant il y a de paroles, de significations, de concepts ; pourquoi aies un peu peur de poursuivre cette ligne, comme moi, même si que tu meures n'est grave ; si je meurs ça n'est grave. Muette, éteins toute musique ; ferme ce qui emplit ta journée ; regarde ; ouvre tes yeux et vois s'il reste autre chose que le silence ; vois si tu n'as pas peur.

Je te raconterai aucune histoire. Celles que je racontai s'emportèrent. C'est fini : plus de conte ; je t'écris pour comprendre, pour moi, et toi, qu'il sert à rien d'écrire. C'est la première intuition : il sert à rien d'écrire. Ni de lire.

Expliciter de nouvelles conditions du monde ne justifie l'ajout de mes mots. Ici n'ai-je qu'intuition. Point. D'autres diront pourquoi, dont les arguments mourront, une fois leurs auteurs morts. Déjà sens-tu plus faible ma volonté de tuer tout roman, toute lecture, mettre à jour le silence, restant : que nous nous taisions comme des bêtes, car c'est délicat ?

Ce sera le dernier roman. Mes histoires de jeunesse, contées, dont je parlai et que tu ne liras, espérèrent de l'argent. Pour vivre. Aucune fortune les acheta, de sorte qu'il n'y eut de sous pour la vie vivre de mes rentes. Aller là où l'instinct désire ; comme un enfant observer : avoir le regard immense d'avant neuf ans. De sorte que je continue d'écrire : ne dirais-je le but de ceci, mentirais-je par omission : voici : chaque mot emplit du vide. De l'emplissage. De ton temps également : ces caractères comblent rien : comblent point. Peuvent exister, puisqu'ils sont, mais sans devoir d'exister : sont pour que je vive. Peuvent ne pas exister. Je ne mens. Te parle, pas de moi (parce que je n'ai tant d'obscénité) : de ce que tu peux fermer. Ce livre. Qui n'est facile à écrire, crois-moi. Alors moi, puis-je cesser de te retenir ? Non : continuer à écrire ! Il me faut des sous pour ouvrir mes yeux grand ! Il faut bien que je fasse quelque chose ! Enfin, c'est ce que je crois. De l'emplissage pour l'utopie d'ma vie libérée ; survivre. Survivre. Je crois.

Et dire : aucun cynisme dans mes intentions : nulle ironie non plus. De la naïveté dans la volonté de raconter aucune histoire, oui : regarder tes yeux. Certes, si tu peux clore les deux pans de page, c'est qu'ils emplissent pour rien, comme ça ; pour ma survie. Mais attention : vas pas t'oublier devant la télévision ou ailleurs ! J'm'en moque de la structure, du livre, qui s'effiloche déjà ; oh, comment aurai-je cette liberté de regard, sinon en ne m'laissant tuer ? J'vais écrire ! J'existe. Tu existes. Je serai plus, un jour, et ne sais concevoir cela : plus rien, plus mes mots, plus même mon existence, ma mort : comme si j'avais à bientôt, avoir jamais été ; je mourrai. Je sais rien. T'es comme moi, voilà pourquoi aucune obscénité emplit nos minutes, passées : on est ensemble. Et les minutes sont passées.

Notre volonté déjà moins nette, du texte se dégage un halo ; déjà nulle direction sinon éparse nous guidera. Parce qu'il faut survivre. Qu'importe : nulle direction importe : importe que continue ta lecture ; expérience, sachant que tu l'oublieras, qu'elle comble un vide, que tu vis, et désiras combler en ouvrant les deux pans de pages : reste aucune ambition de clarté, rien : la seule ambition, la plus naïve : ma sincérité. L'écrit deviendra hystérique. Je ne te raconte d'histoire. Sais rien, pas moins que toi.

Ma sincérité, illusoire, est mon intention. Je n'sais s'il serait préférable de te raconter le conte de mes quinze ans ; il comblerait ton heure, aussi ; avec un début et une fin, une jolie histoire, te plairait peut-être. Se voile la face, je crois (j'sais rien. Ne te le raconterai. Ai l'intention de ne mentir, essayer). Peu à peu viennent des éclaircissements et autour ils révèlent la nuit : désirant combler nos vies aimant s'oublier, avec la conscience de ne faire que d'l'emplissage, l'intention d'la sincérité, le tout brassé dans l'intuition, la mienne car unique ne puis-je épancher mon corps, fondre dans le tien, m'apparaît qu'il faut que je te parle. A toi. Faut que j'te parle. Pas par obligation, bien entendu n'y en a-t-il ; et nulle facilité si j'fais passer d'la signification jusqu'à tes yeux ! C'est difficile. Tes yeux ! Je te parle à toi, sans la prétention de te connaître, ton visage, tes yeux, ton amour, ton enfance, ton lit, ton occupation, le chemin jusqu'à elle ; t'es unique : je te parle, car il faut bien parler à quelqu'une. Pour survivre. Et à quoi bon une histoire à toi racontée ? Un conte ? Alors te dire, tout simplement, pour l'instant présent, pour l'expérience, même si : que cette feuille eût gardé sa virginité eût rien changé, si tu vas oublier ce qu'elle t'aura dit. Tu vas mourir.

Te dire quoi ? Si ce n'est moi qui t'occupe autre chose t'occupera ; tu peux fermer mais en vain : ne pourras supporter le silence. Iras t'oublier ailleurs : dans un objet, une personne ; et que changera, j'ai peur rien ; rien changera ; petite peur ; ma petite peur : intuition qu'étourdit que l'instant présent, là, expérience pan !

Où tu entendis pan !

Te dire quoi ? Si peut-être t'es troublée, si peut-être t'es perdue… te dire, peut-être pour être plus heureuses… tu ne sais, je ne sais… peut-être on sera plus heureuses ; peut-être… Je vais t'expliquer, cela au moins un rien clair dans ma tête, que des oiseaux sortent de ta tête, leur envol à la seconde m'semblant pan ! Pan !

T'es là. Les oiseaux envolés.


Chacune remarque qu'elle rêve. Remarquas-tu que tu rêves ? Le trouble de l'instant où se prennent les serres, griffées, des oiseaux dans tes fils de cheveux, peut s'apparenter au trouble du souvenir de ton rêve, un matin, à ta toilette. N'as-tu saisi ce que dirent les mots. Tu ne sais ; qu'as-tu lu depuis les premiers ? Combien de temps a passé ; quel rêve ce matin t'est revenu ? Quoi ? Pourquoi ? Ne sais. Sens ! Là : en ton ventre, maintenant. Il fallut ce matin que tu manges, pour lire. Et moi, comment vais-je vivre ? M'acheter de la nourriture, louer un toit ? En écrivant ? Tu ne sais pourquoi tu vis. Ni moi. Je sais plus pourquoi j'écris. Nous sommes pareilles : vivons, avec nos utopies d'vie libérée, nos rêves. Comment loue-tu ton toit ; avec quels sous t'achetas de quoi manger, ce matin, après des heures de sommeil parce qu'épuisée, comme après chaque jour, t'avait prise la nuit ? J'emplis ta minute, la mienne. Pour des sous, ou autre chose (j'sais pas). Ne veux mentir : pourrais-tu dormir, dormir, ne cesser mais t'as les yeux ouverts. Je pourrais dormir, m'oublier jusqu'à ma mort ; rien faire, ou gagner des sous autrement, pas écrire. L'expérience. L'expérience d'être en vie. Comme une pie. Rien combler d'un voile ; pas l'oublier ; ni moi ! Avoir conscience, pas m'oublier ! Nous sommes ensemble, vois-tu ; je pourrais t'raconter une histoire, la facilité se présenterait doucement (se présenta doucement lorsque j'eus quinze ans, mais rien en reste sinon un conte ; et c'est rien, tu le sens ? Que je te parle (quel impératif m'y pousse, point plus contrôlé que celui que tu lises ?) ? Je ne te raconterai d'histoire). Aucune ambition : au-delà du Bien, du Beau, l'ambition du Vrai désamorcée par la conscience, autant qu'il nous est possible, de rien savoir sinon que nous vivons, au ventre en bas, empli chaque matin (tes longs matins comblés comme tu peux), au sexe (vide ; des années, des années passa ton temps ; t'es plus une fillette), nous allons.

Tu t'es levée. Ca suffirait à pleurer. Tu devrais avoir un enfant.

Le texte va partout et nulle part, n'est-ce pas ? Il ira. Peut-être te parle-je qu'pour être en vie, cette expérience (survivre), cet instant la sentir. J'ai peur. Etre en vie et avoir des enfants, cela ne me paraît une raison de vivre : comme chacune ta fille magnifique vieillira, comme toi elle comblera ses heures, après avoir mangé. Elle se perdra, dans des ans, dans le rien. On l'oubliera. On t'oubliera. Comment fut-ce lorsque tu aimas ? Pan ! Instant, expérience. J'survis. Ai vingt ans. Veux un enfant. Sera-ce beau ? Dieu ça n's'contrôle ! Comprends rien !

Tu comprendras rien à ce texte. Difficile de pas dériver vers un conte : oublier de dire que l'expérience, pan ! Sentir. Etre en vie. Oublier qu'il y a qu'elle ; que tout est emplissage.

Le plus clair sera celui-ci : t'es en vie, inutile.

Pourquoi de nombreuses restrictions sont parmi ces mots, disant le moins qu'ils peuvent ? "Dire que l'expérience d'être en vie", "aucune histoire", "rien qui puisse ambition avoir" : enlever, enlever, que reste l'essentiel ! Essayer. Sans fin ajoutée ! J't'écris pour avoir des sous, pour manger après dormir, l'ai choisi pour te dire que seule s'impose l'expérience. De ton présent.

Dire aucune histoire : le moins fourbe des emplissages ; reste "tu devrais avoir un enfant". Avec l'intention de la sincérité, sans m'imposer un devoir d'argumentation, suis-je troublée : je désire un enfant. Sera-ce ce qu'il reste ? Un enfant ? Et toi, tu le désires ? Le tien ?

Au sujet des oiseaux s'échappant de ta tête, c'est parce que t'es perdue, heurtée, lorsque je te demande d'avoir une petite. Aies une petite ! Leur envol dure un instant ; présent. Ils ne sont une image : en réalité, leurs ailes flappent de tes ch'veux remués, pan ! Sont envolés. Car tu sais rien ; t'es une bête, demeure d'instinct expérimentant chaque seconde, unique, suivie d'un présent, tête aux yeux ouverts à la lumière regardant ; te mouvant, mangeant. Au sujet de l'enfant je ne sais ; sais-tu ? Les oiseaux s'envolant de ta tête ne dessinent une métaphore ; l'air remué par leurs ailes : ta sensation. Pas un dessin ! La sens-tu ? Tout embrouillée. A rien sert d'la re-sentir : ton passé ne reviendra ! Aucune sensation reviendra. Tu peux fermer le livre, en demeurera rien : des secondes passées, rien. Tu peux avoir un enfant. Voilà quelque chose ne comblant : il te ressemblera avant d's'affranchir ; te ressemblera malgré vous, pan ! Mangera, engloutira des nourritures. J'ai enlevé, enlevé, reste que l'essentiel, imposé ton enfant : "tu devrais avoir un enfant". Une petite. Je pourrais me taire. Comblerais mon ventre, me déléguant à la digestion. Grossirais. Ca aurait pas moins de sens qu'avoir une petite.

L'essentiel, une fois l'emplissage enlevé, est silence. Mais le silence impossible car insupportable ne puis-je garder : peut-être par besoin de sous, sûrement pour l'insupportable du silence, ces deux raisons se joignant en ma survie. Je mange.

Je dis. Quelle vanité ! Je dis même pas bien ; j'ai peur que ce soit ridicule ; j'ai peur que les mots me trahissent ; sans fourberie : j'dis ce qui peut se dire, une fois nos précautions prises : vivre. Et aies des enfants, beaucoup, beaucoup ! Qui mangeront à ta table, autour feront vibrer l'air, empliront ta vie, le vide de ta vie ; y aura qu'eux, le moins pire des emplissages car le vide comme le silence, tu ne supportes ; vois : ne fermes les deux pans. Et le livre est déjà un ratage. J'suis comme toi : continue , viens ! Sais rien, d'moins en moins !

Sans limite : y aura un bout qu'imposé par notre corps, trop épuisé qui va mourir ; trop perdu qui se tue (alors de nombreux oiseaux s'envoleront de notre crâne). Nous serons mortes. Sans raison.

Peut-être le pessimisme n'enveloppe ce début : l'expérience de ta lecture retiendra rien, certes ; peut-être, au présent seulement elle dégagera au bas de ton ventre quelque chose allant d'la vie. Du positif. Tu retins rien de la lecture, n'est-ce pas ; tu comprends rien ? La vie, pas le pessimisme. La vie en ton bas-ventre, cet instant. Pan ! Les deux pans de papier rejoints souviendront un halo, demain, une brume. La vie mais sans l'instantané, là, que tu sens. Tu refermeras le livre. Peux. A présent.

De toute façon dirai-je : voilà, des pages puis voilà, ce s'ra fini. J'peux dire n'importe quoi ; jamais tiendrai la promesse de la sincérité. C'est trop difficile. L'emplissage, oui. Je peux me perdre. Voici :

"Tu devrais avoir un enfant" : à dix ans près de tes jambes hautes marcherait-il, petit. Il flotterait tant ta démarche ferait le poids. Lourde. Morte. Serait en vie, le visage lisse : vois ton visage, vois tes jambes, vois tes yeux, ton élan ; faut pas t'voiler : t'es morte ! Ton élan pourrais le forcer mais par volonté (alors que ta petite… légèreté ! Elle serait belle ! Légère irait !). Si tu ne t'entoures d'enfants, dans une grande maison, tu mourras. Les enfants, c'est vivant.

Pourquoi j'écris ? Les sous nous garderont en vie, toi, moi ; nous aurons des enfants, les aimerons. Ensemble ! J'sais aimer ! C'est pour les enfants que j'écris. Pas tellement pour les sous. Pour nous. Tu devras en avoir, toi, vieille, assise, des petites courant autour de tes jambes fléchies ! Enfin, c'est ce que je dis : tout ça, c'est moi qui l'écrit ; et peut-être c'est juste moi qui suis morte. Je te connais pas. Nous aurons des fillettes ? Le monde est un monde féminin : il est ouvert, comme moi à toi. Nous pourrions les avoir ensemble ! Toi et moi ! Nos fillettes . Evidemment les tuerons mais mourront-elles vite, tu sais (auront des petites). De toute façon. Alors n'aies peur : j'vais pas te tuer, ni même amener tes pleurs : nulle évidence telle que tes yeux secs se mouilleront, ici, viendra : trouble respire, cligne tes paupières. Tu contrôles rien ; n'essaie de contrôler ! J'contrôle rien. Du reste à te dire ou du reste, rien ; lis ! J'écris. Parce que nous vivons.

Rien nous retient : que la nécessité d'combler, avec le moins de fourberie possible, notre temps. Et c'est perdu. Si tu penses pouvoir fermer le livre, iras-tu combler ton temps ailleurs, mais regarde-tu un enfant de toi né, ou tu es seule ? T'es seule. Nos pages au-delà du bien et du mal. Point d'morale : tu ne contrôles. Même avec un enfant, t'es seule. Je ne contrôlerai, n'ai peur, te parle ; n'aies peur !

N'aies peur ! Suis les pages avec moi. On va essayer la sincérité ; essayer au moins, quoiqu'on se perdra en chemin. L'amour aussi comblera notre vide. Sais-tu ton trou ? Trouée vois la raison d'ton abandon (pendant la nuit plus facilement : l'oubli du jour, dans d'inutiles occupations, alors s'est couché), de tes pleurs également, et la contingence de tant de choses qu'assemblées les étendrais-tu sur le sol et dirais : voici ma vie. Voici ce que j'ai fait. Voici ce que j'ai. Sur le sol tu serais pas. Trouée. T'es rien, toi. Où va ta vie ? Je vais mourir.

T'es vide. Seule. Qui t'aimes pour dormir avec, dans ton lit ? Respire-tu en même temps qu'elle ? Indépendante, qui continuera de vivre, si tu meurs ?

Sans doute nous sommes-nous égarées ; ensemble nous nous perdrons, de plus en plus. Pas d'facilité : j'essaierai de faire à ton ventre sentir l'instant. On est parties. Mais nous sommes égarées, ici, oh oui !

Si tu m'aimes, pose ton trou contre le mien ! Ton trou. Le mien. On peut pass coïncider avec l'autre. Oubli ! Ta solitude pourra regarder mon sexe ; ensemble nous pourrons baiser. Fort ! Longtemps ; abandonnées ! Car nous sommes tant trouées, tant manquantes, tant vides ! Tu pourras me lécher, pénétrer, caresser, perler, frapper ; après aller à ton sommeil. Tes rêves. Au matin nous ne serons ensemble, ou en positions contrariées vite dénouées : nous n'sommes faites pour nous emboîter ; regarde si tu m'aimes ; j'suis seule. Seule. Défigurée, amputée, tes mains en moignons, tes yeux sans paupières, ton visage d'os calciné rouge, me verrais-tu à ton chevet ? T'embrasserai-je atrophiée, jusqu'à ma mort ?

Le livre se perd, s'effiloche. Tu devrais avoir une petite ; elle aurait besoin d'ta protection puis s'en irait. Seule. Sans toi. Dormir ailleurs, seule dans son lit. Toi seule dans le tien.

Tu devrais avoir un enfant ; copier son regard. Garderas-tu ton regard d'enfant ? Iras-tu là où l'instinct te porte ? Quand ta petite naîtra, en ses jambes courantes verras-tu la vie ? Ton corps, au fil de tes anniversaires s'étant figé, ne pourra la suivre, non ; aussi, regarde les mouvements de ses yeux : ils glissent dans leurs orbites ici, là, leurs paupières ouvertes grandes. Et vois ton enfant ! Vois-la ! Même si tu la vois pas ; vois celle que t'as pas. Puisque j'écris et qu'tu lis, ne te mentirai-je (sinon par omission : j'sais rien, tu sais ! Et si tu crois qu'j'essaie pas de te faire comprendre, si l'écrit t'irrite, ferme-le !). Tu ne sais. Je vais t'dire pourquoi j'écris pour avoir des sous, voire des enfants : regarder ! Conserver ouvertes mes paupières ! J'espère !

Le regard d'enfant : ses jambes courent et à chaque endroit, son être observe. Il ne sait que ce sont ses yeux. Y sait rien. Toi non plus ! As-tu de p'tites fentes pour regard ou des cernes de fatigue ? T'es morte. C'est pas grave : tu mourras. Il se trouve que nous durons quelque temps ; que tu ne sais ce qu'il est, en lui passant que tu combles malgré toi. Regarde ces mots, cet instant ; ouvre tes yeux ! Ayant à combler mon temps, cette journée ouvrir mes yeux comme toi et m'occuper, j'te parle, sans te connaître ; écris pour ouvrir mes yeux (c'est le moins pire des emplissages, je crois ; je me répète ? Je me répéterai) ; alors j'ouvre mes yeux, pointant à l'extrémité d'un mot pour vivre ; te dirai rien. Pour continuer, sans fatiguée oublier mes paupières, voyant rien, ni même l'instant. Ensuite, dans l'espoir d'enfants, d'avec toi les voir voir, prendre leur vie, je continue à te parler. A toi. Puis j'espère pouvoir nous emmener là où, un instant, un hasard, nos pupilles tendront : dans un grand magasin sans empressement, pour regarder les acheteurs par exemple. Comme ça : pour vivre ; pan !

Instant, expérience, petite. Tu sais, sachant rien, ces mots n'ont une direction : la sincérité est te le dire, et les prendre, fixer un peu une seconde ; pan ! Sont des plumes d'oiseau surgies d'tes cheveux, légères.

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