" Carax est venu me voir à l'INA en 1980 ; c'était un jeune inconnu comme j'en voyais tant,
qui apportait un projet. Un scénario de long métrage, Si j'étais vous, où j'ai trouvé vraiment
des choses très fortes ; quand je l'ai revu, je lui ai dit : "Vous avez du génie. Mais
maintenant il faut travailler; c'est une matière très riche; mais il faut surtout ne pas
faire ce film tel quel : il faut le construire." Je ne l'ai pas revu, et deux ou trois ans après
est présenté à Cannes Boy meets girl : c'était littéralement le scénario qu'il m'avait apporté.
Je me suis mis au fond pour entendre la salle, dans l'ancien Palais (j'aime beaucoup, quand je vois un film en salle, sentir le public en même temps que le film); et c'était très caractéristique : il y avait de grandes plages d'ennui...
Il y a des beaux moments, mais le film dans son ensemble est mauvais : un fourre-tout,
un brouillon prétentieux. C'est une leçon que je n'ai pas oubliée, elle est désolante; il aurait
fallu un producteur musclé qui prenne Carax en main et l'aide à accoucher, ce que Pierre Chevalier fait si bien à Arte, aujourd'hui. L'accueil délirant de la critique sur ce film est criminel, parce qu'on sait très bien que ce n'est pas vrai; ça l'a mené à l'impasse - ce genre d'impasse qui tue le cinéma français; quand il a fait les Amants du Pont Neuf, cela veut dire que trente cinéastes n'ont pas pu faire de film..."
"Après le film" - Jean Collet - 1999