Dans Liberation :
«Quand je revois Rendez-vous, je me dis, cette fille-là, elle est pas calée, ma démarche de garçon manqué par exemple, la "footballeuse" comme disait ma mère. Léos a été dénicher une féminité que je ne faisais que soupçonner. Il avait envie d'être très amoureux d'une actrice, il m'a choisie. Au départ, il ne m'aimait pas tellement, il me trouvait trop arrondie. Ensuite, il a décidé de bien m'aimer, d'être mon Pygmalion, mon chevalier servant. Je n'attendais que ça : être modelée comme une argile fraîche. Devenir une femme idéale, une image adorée, sage comme une image, amoureuse et docile comme tout. Son regard, ses avis, ses conseils, autant de cadeaux généreux. En même temps, je n'ai pas complètement marché dans le truc. Je lui ai dit : "Tu seras peut-être Godard, mais je ne serai pas Anna Karina, bien que moi aussi je sois amoureuse d'elle dans Une femme est une femme ou Bande à part." En plus, Léos m'a fait entrer dans une manière de faire des films qui incarnait un rêve : un esprit de troupe comme au théâtre, de la cuisinière aux techniciens, une famille idéale parce que réinventée. Avec lui, je me suis dit : je suis là où je dois être, à ma place, libre et légère, en vacances au pays du cinéma.
Avec Léos, on a fait deux films, Mauvais sang et les amants du Pont-Neuf, comme on fait des enfants. Pour le dernier, les contractions ont été longues et douloureuses. Les Amants nous ont cassés. Trop d'énergie et de résistance insensée pendant deux ans et demi, à chercher de l'argent, à s'entêter. Je n'en pouvais plus. Mais le film est là, il est magnifique. Je sais qu'on a dit que Léos, dans le fond, me voulait du mal, a exigé que je saute en parachute dans Mauvais sang, que je dégénère en clocharde dans les amants. Mais c'est moi qui en redemandais ! Faire du ski nautique sur la Seine, quel bonheur ! Plus l'aventure est risquée, mieux c'est. Léos Carax est quelqu'un de bien, sinon je ne serais pas restée avec lui pendant quatre ans.»