en réponse à Alex, Pierre et Dave envoyé par LaurentM le 06 février 2002 à 21:56:11:
Oui, oui, j'ai lu ton dernier message sur AI, mais je ne voyais rien à ajouter... Je suis juste plus indulgent avec ce film... Mais c'est très drôle ce que tu dis sur le look des E.T.... Traiter Spielberg de primate, t'y vas un peu fort!!! Mais c'est vrai que quand on l'entend dans certaines interviews concernant Stanley, il est clair qu'il y a pas pigé grand chose, que ça lui passe au-dessus de la tête... On m'a dit que dans une interview (ça doit être le docu avec Eyes Wide Shut, je pense), il disait un truc du genre "ah, oui, Kubrick, c'est le maître du "story-telling", on est captivé par l'histoire de ses films"... Eh, c'est tout ??? C'est un peu court, jeune homme !! Kubrick, c'est pas juste un mec qui raconte une histoire... Y a la mise en scène, ce qu'elle montre et ce qu'elle garde secret pour mieux nous fasciner... Le mystère, l'ombre, la profondeur, la réflexion... Remarque, quand tu sais qu'un minable comme jan Kounen dit que 2001 est son film préféré, ça fait encore plus peur... Qu'est-ce qu'un mec comme ça a pigé à 2001 ??? Je m'interroge, quand tu vois la merde irresponsable (limite nazie, tellement c'est con, sadique et fier de l'être) qu'est Dobermann... Et c'est pas tout, Kounen de dire qu'il admire la sublime -et rigoureuse, implacable- Armée des Ombres de Melville... Du délire. A quoi ça sert de dire qu'on aime quelque chose si c'est pour n'en rien retenir, mais rien, absolument rien ??? Finalement, les goûts des gens, c'est tout un mystère... Hélène Ségara qui et fan (authentique, je l'ai lu !!) de Cioran... Farmer de Bataille (so what ???) ... Jeunet a rien pigé à Jules et Jim et à Auguste Renoir auxquels il fait référence, c'est pas possible, sinon, il aurait pas fait Amélie... Ou alors il y faisait pas référence dans ce film précis, et j'aurais rien dit... Mais quel est le rapport entre la superbe mélancolie, le regard génial sur les instants -éphémères- de bonheur de Truffaut et la puérilité démago de Jeunet ??? Aucun. Quant à la peinture de Renoir, mais si on veut voir un film qui en est digne, il faut voir l'immense Van Gogh de Pialat, vrai film impressionniste, et pas ce chromo insipide qu'est Poulain... Mais c'est pas grave, Jeunet aura tous ses césars, Rampling pourra aller se faire voir ailleurs avec son rôle splendide dans le Ozon, et Jamel aura son césar pour les trois grimaces (et sa gueule constipée quand il est censé exprimer l'amertume) qu'il pond dans le film... Mais je m'égare.
Pour revenir à ce que tu dis, d'accord à 1000%, les grands artistes sont des obsessionnels, leur oeuvre est cohérente jusqu'au vertige (Tarkovski, on n'en finirait pas de trouver les traces de l'unité de sa filmo à travers des sujets différents... exemple, parmi tant d'autres: le dernier plan du Sacrifice -dernier film en 1986- qui renvoie au dernier de L'enfance d'Ivan...)...
Y a un truc qui résume bien cette idée que l'auteur est, qu'on le veuille ou non, dans son oeuvre (et tant pis pour le Contre Sainte-Beuve de Proust):
"Pendant des années un homme peuple un espace d'images, de provinces, de royaumes, de montagnes, de baies, de bateaux, d'îles, de poissons, de pièces, d'outils, d'étoiles, de chevaux et de gens. Peu avant sa mort, il découvre que le patient labyrinthe de lignes trace l'image de son propre visage."
Jorge Luis Borges
PS: Ce que tu dis sur Les Amants me donne encore envie de le revoir... Tout est beau dans ce film... Et les retrouvailles à la fin avec la neige, la musique d'Arvo Pärt ?? Sublime... Quant à ce que tu dis sur la façon de filmer les personnages de dos pour Carax, il me manque des clefs, ça doit lui venir d'un autre cinéaste, genre Bresson ?? En tout cas, c'est très fort pour impliquer le spectateur, très beau... Ah, tu dis un mot au passage sur la scène de la forêt de Pola X avec Isabelle et Pierre... Pour moi, cet instant hors du temps, magnifique, c'est digne de baudelaire, de Dante... C'est peut-être la scène que je préfère de toute la filmo de Léos...
A.