en réponse à Re: Petit post scriptum envoyé par LaurentM le 03 février 2002 à 20:31:31:
C'est marrant que tu me dises que tu as du mal à juger Artificial Intelligence, parce que c'est mon cas également... Je me souviens, à la fin de la séance, je me suis dit: vraiment pas terrible. En fait, j'aimais bien le début... Certains plans de la ville envahie par les flots... Mais c'est tout. Il faut dire aussi que j'ai bien sûr été contraint de voir ce film en VF (comme tous les films récents en salle que je vois), ce qui n'aide pas beaucoup parfois (je trouve les films qui sortent de nos jours de plus en plus mal doublés, sans passion, alors que ce n'était pas le cas dans les années 70 par exemple où tu sentais un vrai boulot)... Donc, je sors du cinéma... Et puis dans la rue, dans la voiture d'un pote, je commence à me dire... Drôle de film, quand même... Triste, une sorte de conte de fées triste... Avec une fausse happy end, si on y réfléchit... Et puis je me dis que y a quand même une atmosphère pas mal, bizarre... Que c'est loin d'être le pire film de SF sorti depuis quelques années... Que le gosse et Jude Law sont plutôt biens... Que y a un thème qui est au coeur du cinéma de Spielberg (la quête de la mère ou d'une figure de mère -entre autres, le vaisseau s'appelle quand même "mothership" dans Rencontres du troisième type !- le lien mère-fils...) et qui est plutôt intéressant, parce qu'assez étrangement morbide l'air de rien dans ce film-ci...
En fait, je me dis que c'est pas si mal. Et aujourd'hui, avec le recul, je l'aime bien, ce film un peu bancal mais attachant, très personnel, voire (inconsciemment ?) intime pour Spielberg... Bon, je sais, faut pas trop auteuriser Spielberg, c'est pas un génie... Mais bon, voilà...
Au fait, c'est vrai que le film a quand même des éléments kubrickiens... C'est bizarre, ce mélange idées à la Kubrick/idées à la Spielberg... Parce que, en fait, Kubrick a une vision du monde et du cinéma quand même très éloignée de celle de Spielberg (Spielberg est quand même moins critique, moins prophète inquiet, plus entertainement...)... Et pourtant, là... Mystère. Je dis mystère, parce que contrairement à ce qu'on a dit et écrit un peu partout, il ne s'agit pas d'un scénario de Kubrick (absolument pas), mais d'un projet de Kubrick (nuance!!) pour lequel il avait commencé à avoir certaines idées qu'un scénariste (d'après une nouvelle) avait je crois un peu mises en ordre... Mais, ce qu'il faut savoir, c'est que Spielberg a complétement écrit ensuite sa version du scénario et que c'est celle-là qu'il a filmée... Donc, finalement, non, ça n'est pas "un film de Spielberg écrit par Kubrick"... Mais il n'empêche qu'il est évident que Spielberg en faisant le film a pensé à Kubrick, à ce qu'il aurait pu faire... Et pour finir, l'objet singulier ressemble à un film de Spielberg (par de nombreux thèmes et images) avec l'influence dans certaines scènes de Kubrick... Voilà... C'est compliqué, quand même ! Donc, pas étonnant qu'on ait du mal à le juger...
PS: Si le film s'était terminé sous l'eau, ça aurait pu être une fin d'une noirceur inouïe, pas mal... Mais bon, la dernière idée est belle... Faut imaginer surtout l'aspect incroyablement morbide, triste, de solitude qu'elle représente: Après des milliers d'années (ellipse assez kubrickienne, certes)le dernier survivant de la Terre est un robot avec une mémoire, la mémoire d'une humanité disparue, et c'est ce robot que rencontrent enfin des extra-terrestres, après une sorte de fin du monde par la glace... C'est d'une ironie, quand même ! Etonnant... Certes, le robot aura une journée pour être considéré comme un humain et être aimé par sa mère, et après ce sera fini, hop, passé comme un rêve, plus de mère... Et en plus, la mère en question est une reproduction, pas l'originale !!! Quand on y réfléchit, c'est quand même foutrement glauque, triste... Et beau. Y a quand même une sacrée distance entre la fin de Close encounters (où le héros partait dans les cieux avec les ET, mais avec l'humanité encore là, et éventuellement un retour sur terre) et celle de AI où le monde entier est mort, sauf un robot qui plane une journée avec une sorte de fantôme de sa mère!!!! Etonnant... Etonnant, cette mélancolie de Spielberg. Intéressant, aussi, et en définitive assez émouvant.
A.