Re: écrire pour rêver pour vivre

envoyé par Aliocha le 30 janvier 2002 à 20:38:55:

en réponse à Re: écrire pour rêver pour vivre envoyé par LaurentM le 30 janvier 2002 à 14:01:29:

Ce que tu dis me touche. Tu parles de ton milieu... C'est vrai que pour certains, se lancer dans la littérature est vraiment un magnifique saut dans le vide, avec le courage que donne l'espérance, les rêves que l'on fait...
Moi, je suis issu d'un milieu plutôt modeste, sans gros problèmes sociaux, mais je ne suis pas non plus né dans un palace, loin s'en faut... Seulement je me suis toujours accroché à l'idée qu'il fallait que je travaille à l'école, que je fasse de mon mieux pour avancer, tout simplement... Pas vraiment que j'aimais ça, non, mais c'était pas une raison pour me conduire en petit fasciste et emmerder les autres autour de moi... En gros, si tu veux mon point de vue, c'est pas parce qu'on est pas né dans un nid doré qu'il faut pourrir la vie des gens, de ses voisins... Apparemment, de nos jours, cet élémentaire savoir-vivre passe pour de la faiblesse. Non, la faiblesse, c'est de cracher sur un mec qui réprésente n'importe quelle autorité (médecin, pompier, chauffeur de bus, flic, prof...)en ne voulant pas voir l'individu derrière le soi-disant symbole, c'est de vomir sa haine sur n'importe qui dont la tête te revient pas, la lâcheté, c'est d'empoisonner le quotidien de personnes qui ont pas plus de pognon que toi... Mais dire tout ça, j'oubliais, c'est faire la morale, c'est "ringard"... Les "jeunes"... Les "jeunes"... J'ai 27 ans, pas trop vieux quoi, mais quand je vois ce qu'est en train de devenir une certaine jeunesse... Et bien je me sens très vieux. La culture... L'art... Pourquoi un gamin va cramer une voiture au lieu de lire un bouquin tranquille chez lui ? C'est pas cher, parfois, un bouquin, y en a à environ dix balles... J'ai jamais entendu une seule réponse valable à cette question. J'ai pas de boulot, mon père a connu le chômage, j'ai eu de gros soucis de santé, c'est pas pour ça que j'ai décidé d'exploser un mec ou de transformer une rue en jungle. Chacun est responsable. C'est vrai que j'ai eu la chance d'avoir une famille unie, dont un père qui a l'amour de l'art et la littérature... Tout ça pour dire que mon amour pour l'art m'a été transmis à la maison... Et qu'aujourd'hui, j'écris tous les jours parce que ça m'est indispensable.
Pour revenir au cinéma, je me souviens que j'ai vu 2001 pour la première fois quand j'étais tout petit petit lors d'une ressortie. Mon père m'avait ammené. Le film m'a complétement hypnotisé. J'ai rien pigé mais je flottais dans une espèce de rêve éveillé, assez agréable. Beaucoup plus tard, je l'ai vu à la télé. Nouveau choc. Après je l'ai revu je ne sais plus combien de fois... Le film avait toujours plus de sens, de richesse... Et un jour je l'ai vu en DVD en VO (à l'occasion de la sortie du coffret fabuleux dans sa version définitive). C'était comme une nouvelle première fois. Inoubliable. Je me suis dit après l'avoir vu comme ça que c'était définitivement l'une des oeuvres d'art les plus passionnantes et les plus abouties du 20 ème siècle, comme La Recherche de Proust, comme Guernica de Picasso...
A propos de Kubrick, il est à l'origine de ma passion pour le cinéma à plus d'un titre. Déjà, donc, j'ai vu 2001 tout gosse. Ensuite, à six-sept ans, je dévorais le Kubrick de Ciment dans sa première édition (de 1980, je crois si ma mémoire est bonne). Enfin, en 1987, j'ai eu le choc Full Metal Jacket, qui m'a fait comprendre de façon irreversible à 13 ans que Kubrick était un géant et que le cinéma, avec lui, m'accompagnerait toute ma vie. J'ai vu tous ses films (sauf l'invisible Fear and Desire) et je ne m'en lasse pas de les revoir. Pour moi, Barry Lyndon, c'est Les Ménines du septième art, un chef-d'oeuvre insurpassable, d'une profondeur et d'une beauté esthétique inaltérables. Quant à Eyes Wide Shut, il me touche particulièrement parce que j'y vois un peu l'oeuvre testamentaire d'un grand peintre qui revisite certains thèmes qu'il avait déjà traités, mais avec une finesse, un dépouillement (malgré la sublime scène du bal-orgie masqué) et une intimité inégalées. En plus, j'ai l'impression que Kubrick dans ce film à la beauté mortifère (d'une mélancolie étrangement réjouissante) rend aussi hommage aux artistes (en particulier aux écrivains et aux cinéastes) qu'il aimait: Schnitzler bien sûr, mais aussi Joyce, Nabokov, Borges, et Bergman, Bunuel, Fellini, et une partie du cinéma américain...
Y a un truc qui me touche dans ce que tu écris, LaurentM, c'est quand tu parles de "vrais enfants"... Rodin appelait ses sculptures ses "enfants de pierre"... N'est-ce pas splendide ?
Au fait, quand je parle de merdes en littérature, je t'assure, je sais de quoi je parle, y a vraiment des gens pour qui écrire n'est pas vital. Ils pourraient tout aussi bien aller à la pêche et pas polluer des pages. ça se voit aussi clairement que le nez au milieu de la figure. Et ça donne des livres sans saveur, quand c'est pas de la pure putasserie...
Je reviens encore à Celine:
"La grande inspiratrice, c'est la mort. Si vous ne mettez pas votre peau sur la table, ça donne des livres gratuits et y en a des tas et y a rien de pire que des livres gratuits " (de mémoire).
Courage, LaurentM. Si tu penses qu'écrire t'es indispensable, tu as mille fois raison d'y croire, et je suis à tes côtés ! :-)
Bye,
A.

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